1 mai 2009

Mon prénom commence par un V.

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Ma première grand amie me dit ceci : " j'ai tant de souvenirs, en classe comme chez toi ou chez moi, lors de nos fameuses soirées pyjamas ou de nos après-midi de jeux, de nos séances de gym, de télé (tu te rappelles comme on aimait le dessin animé qui racontait la vie d'une fille qui faisait de la gym? et il y avait aussi la grande periode jeanne et serge, on devait avoir 8 ans!!) j'ai des tonnes d'autres détails en tête! " Comment lui dire ? Nabelle, je ne me souviens de rien. Juste de ces yeux et de ces mains.

Brindille

Qui replantera l'olivier ? Où sont passés les gens que j'ai aimé ?
Qui foulera le chemin de ma maison ?
Qui m'aimera aux rythmes des saisons?"
(Wallen, L'olivier, album Avoir la vie devant soi)
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Une personne dépressive perd confiance en elle, se dévalorise et culpabilise. Souvent les reproches exprimés ou non de l’entourage aggravent cette maladie. Le dépressif a a une vision négative de lui-même, du monde et de l'avenir, ce qui le pousse à se couper véritablement de leur entourage. Ils pensent que leur dépression doit rester secrète, ils éprouvent de la honte et leurs proches ressentent souvent une profonde souffrance à l'idée de ne pas pouvoir les rendre heureux. La dépression, ça me connaît. J'ai souffert de cette maladie et longtemps pensé que j'en étais responsable. J'ai consulté. Avec une longue analyse, jai mis du sens, j'ai acquis de l'autonomie, j'ai goûté au calme. Cela m'a coûté 32O euros par mois pendant 6 ans. J'aurais pu aller voir un psychologue remboursé par la sécurité sociale mais l'idée qu'il n'ait pas fait d'analyse lui-même me semblait absurde ; signe aussi d'une volonté de ne pas me considérer comme malade et de ne pas me poser en victime en faisant payer la société. J'ai d'abord fait payer les parents, les premiers mois de la première année. Puis, je suis partie du nid. A 19 ans. Et, j'ai payé seule. Ayant le statut d'étudiante, j'y suis arrivée en faisant des petits jobs, vivant dans un appartement que les parents louaient. Au bout de la 6ème année, la psy et moi avons arrêté le travail d'un commun accord. Moi, je me pensais guérie. Elle un peu moins, mais elle m'a fait confiance. J'ai quitté l'appart et je suis venue vivre ma vie à Paris. J'ai rencontré l'homme. J'ai habité pendant un moment chez lui. J'ai trouvé un CDI. J'ai quitté l'homme. J'ai signé mon premier contrat de location, j'ai emménagé dans un 13 m2, j'ai payé mon loyer. Je me suis fait licenciée. Je voulais partir. Aujourd'hui, je suis libre. J'ai résilié mon bail. Je vis de nouveau avec l'homme. Sa maison est ma maison. 1 an que je suis adulte. 2 ans que j'ai fini l'analyse. Souvent, je ressens du chagrin et de la colère. Mais, je me suis sauvée.

SOS. Animal en détresse.

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J'ai bientôt la trentaine et je découvre tout juste l'univers de la mode, des tendances, du luxe. Par internet. A travers tous ces blogs de filles. C'est qu'il y a plus d'un an, j'ai été embauchée dans une "grande" agence d'architecture parisienne. Et qu'il y a 4 mois, j'en suis partie. Depuis, j'erre. Dans la vie et sur le net. Et, je découvre l'univers des filles. Je comprends mieux pourquoi lors de ce WE à Madrid, l'italien a cru me faire plaisir en me montrant le MANGO. Pourquoi aussi les hôtesses d'accueil ont passé leur premier après-midi "lisbonnien" à écumer tous les shops. Je me suis regardée dans une glace. OK. Je ne ressemble à rien. OK. Je ne suis pas à la mode. OK. Je dois agir. Me voilà à regarder le Burkiblog, le blog hype sur les tendances. A appeler mon pantalon serré un slim, mes bottes frangés des Minnetonka. A mettre mon foulard en bavoir. Et je me dis dans un flot de respirations saccadées : je dois changer / pour plaire / pour qu'on me remarque / pour me mettre en valeur / pour me plaire / je dois ressembler à quelqu'un / pour me sentir moins seule / appartenir à une tribu / pour avoir moi aussi une armure moderne et glamour / j'ai peur d'affronter l'extérieur " Beaucoup payent cher leur armure. Chque jour, il leur faut acheter de nouvelles choses. Le syndrome du " je n'ai plus rien de neuf dans mon placard" . Et puis, c'est à celle qui portera la tendance en premier. Les autres suivent. De blog en blog, une série de clonnes qui se prennent en photo. Toutes sont jolies mais toutes se ressemblent. C'est fascinant d'observer dans une lorgnette une communauté. Des liens amicaux se tissent. Il y a de vrais talents, des profils qui se démarquent. Mais pourquoi diantre, depuis que je les lis, je suis encore plus perturbée dans l'estime de mon être ? Je me sens déconfite devant cette futilité qui habite le coeur des filles et angoissée par l'absence d'unicité. Certaines disent qu'elles agissent au nom du Beau. Elles sont journalistes mode ; chaque jour, elles écrivent des billets. Chaque jour, inlassablement ! Ce qui me pousse moi à acheter une belle valise pour partir en WE, le dernier sac à la mode, des chaussures encore et encore etc., ce sont mes névroses, cette jalousie, cette envie, cette frustration qui naissent d'une estime de soi bousillée. Moi aussi, j'aime le Beau, je veux du luxe. Tout comme elles, j'ai rêvé au prince charmant et à la chaussure de verre. Les bottes en photo, un pure exemple. Le patchwork et le talon me font tourner la tête. C'est un modèle de Christian Louboutin, leur prix : 1235€, elles sont en Pony Kebir. En QUOI ??? Je cherche sur internet. Mince, je ne trouve pas. Pony = Poney, Kebir = Kebab. Je m'inquiète tout d'un coup. Poney Kebab ? Viande de Poney ? Peau de Poulain ? J'ai la tête qui arrête de tourner, l'envie furieuse de ne plus aimer ces bottes, la mode et tous ceux qui s'habillent de peau de poney, de fourrure, et tous ceux aussi qui s'habillent de la peau des autres ! J'ai envie de me nourrir autrement, de ne porter que ma peau. Je ne veux pas ressembler à ces modeuses, ces journalistes, et à toutes ces personnes qui font la Mode. De toute façon, je ne peux pas car je ne ressemble à rien, je ressemble à moi.

Sors de ma tête.

Jorden Betten photographié par Annouck Bertin.
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Depuis longtemps, le mot "nul" résonne dans ma tête. C'est que le père l'utilisait constamment pour me définir. J'ai regardé la définition dans le dictionnaire : - sans valeur (bon à rien, incompétent, ignorant, incapable, mauvais, inapte, inexistant, insignifiant, annulé, caduc, non avenu, infirmé, abrogé, aboli, effacé, périmé, invalidé, oblitéré, résilié, révoqué, rompu, vain) - aucun (personne, rien, zéro). Coïncidence marrante : l'homme que j'aime lance parfois : "t'es nulle", "t'es vraiment nulle". Aujourd'hui, il me l'a dit. Parce que je baisse souvent les bras en ce moment devant les difficultés. J'ai eu envie de le tuer. Dans un cri de rage, je lui explique. C'est vital maintenant. Que l'on me donne de la valeur. Pour me donner la force de sortir. C'est très important. Je n'arrive pas à valider les jolis regards et bonnes paroles quand ils proviennent d'un être qui es capable de me mépriser. Peut-être qu'il me méprise parce que je le méprise. Jamais je lui dis qu'il est nul. Mais, je lui dis qu'il est sale. Chose que je n'ai jamais pu dire au père. Papa, tu es un gros dégoûtant, tu pues du cul, tu es un enfoiré, un enculé. Tu m'as enculée. Et répétait que c'est parce que j'étais nulle. Pauvre merde !